9.
Green Band avait frappé à nouveau, telle une armée invisible.
Alry Simmons et Robert Havens, de la police de New York, se frayaient prudemment un chemin à travers les ruines fumantes de la Fédéral Reserve Bank, sise sur Maiden Lane. Fixées à la ceinture les deux hommes, des cordes de sécurité longues de quatre cent cinquante mètres remontaient jusqu’à la rue.
Les policiers évoluaient dans ce qui avait été jusque-là le gigantesque hall d’entrée richement décoré de la Banque centrale des États-Unis. Les visiteurs du bâtiment étaient immanquablement frappés par l’impression de puissance indestructible qui se dégageait de ses dalles de marbre grises et bleues et de ses briques de grès. Ses allures de forteresse, les solides barreaux de fer à chacune de ses fenêtres n’avaient fait qu’ajouter à son caractère imprenable et suffisant. Cette image avait de toute évidence été un leurre.
Les ravages que les agents Simmons et Havens découvrirent à l’étage inférieur, dans le département de la monnaie, leur furent difficiles à saisir et encore plus difficiles à évaluer.
De colossales machines à peser les pièces gisaient, dépecées comme les jouets d’un enfant. Éparpillés ici et là, des sacs de pièces de vingt kilos semblaient dégorger leurs entrailles sur les dalles.
Le sol en marbre était enfoui sous un bon mètre de pièces de cinq, dix et vingt-cinq cents. Des colonnes de soutien de l’édifice s’étaient effondrées un peu partout. La structure entière semblait sur le point d’en faire autant.
Le dernier sous-sol de la Fédéral Reserve Bank renfermait le plus important stock d’or du monde. La totalité de cet or appartenait à des gouvernements étrangers. Non seulement la Réserve fédérale veillait dessus, mais elle contrôlait aussi qui possédait quoi. Dans un cas banal de transfert de propriété, la Réserve déplaçait simplement l’or du coffre d’un pays à celui d’un autre. Le métal précieux était transporté sur des chariots ordinaires, comme des livres dans une bibliothèque. Le système de sécurité du dernier sous-sol était si sophistiqué que môme le président de la Fédéral Reserve Bank devait être accompagné lorsqu’il se rendait au dépôt d’or.
Dans l’immédiat, les agents Havens et Simmons se trouvaient seuls dans le caveau souterrain.
Ils étaient entourés d’une débauche d’or, disséminé dans les décombres et la poussière. D’une quantité incalculable de lingots. Au taux du jour, soit trois cent quatre-vingt-six dollars l’once, ils avaient à portée de main plus de cent milliards de dollars.
L’agent Robert Havens faisait de l’hyperventilation et était célèbre pour sa façon toute personnelle de pomper l’air, qui n’était pas sans rappeler une hotte aspirante en pleine action. Pourtant, depuis que Simmons et lui avaient pénétré dans le bâtiment, il n’avait pas émis le moindre son.
Les deux policiers se figèrent. Robert Havens laissa inconsciemment échapper un halètement caverneux.
— Nom de Dieu ! Qu’est-ce que c’est que ça ?
Un garde armé chargé de la sécurité était assis sur une chaise en rotin au beau milieu du passage entre le département de l’or et l’entrepôt principal. La chaise fumait encore.
Le vigile regardait Robert Havens droit dans les yeux.
Personne ne dit mot.
Le garde de la Réserve fédérale en aurait été incapable ; il ne prendrait du reste plus jamais la parole. L’homme était atrocement brûlé, réduit à l’état de charbon incandescent. Les deux officiers de police étaient tellement bouleversés par cette vision qu’ils ne remarquèrent pas immédiatement un détail essentiel…
Le bras droit du vigile était enveloppé d’une bande vert vif éclatante.